Auteur : Jean-Marie Dyon
Les abeilles sont en danger… les abeilles meurent par milliers ….sauvons les abeilles… !!!!
Les messages d’alerte se répètent, et que fait-on pour améliorer la situation ?
Etat des lieux
Tout d’abord, si les scientifiques alertent sur le sort des abeilles, il faut préciser que l’abeille domestique (apis mellifica) n’est pas la seule concernée par la catastrophe : en Europe, plusieurs milliers de sortes d’abeilles ayant des modes de vie très différents, vivent et participent à la biodiversité et à la pollinisation des plantes et sont elles aussi concernées par la catastrophe actuelle. Outre les abeilles, la plupart des insectes, sont en phase d’effondrement, du fait de la prédation des humains sur la nature, sous toutes ses formes, comme nous allons le voir.
Nous prendrons le cas spécifique de l’abeille mellifère (apis mellifica) que chacun connait comme productrice de miel…mais aussi de pollen, de gelée royale, de propolis, appelés sous-produits de la ruche, et contributrice importante de la pollinisation des plantes et des arbres fruitiers.
Notre abeille existe depuis au moins 100 millions d’années, et depuis cette période, elle a élaboré un mode de vie sociale d’une complexité et d’une efficacité rare : l’organisation de la société des abeilles est un modèle de distribution des tâches et des fonctions, qui ont pour seul but, la pérennité de la colonie, et donc de l’espèce. Et cela a fonctionné depuis 100 millions d’années. Certes ce ne semble pas être un modèle de démocratie …mais ça c’est une autre histoire.
Tout à l’inverse, depuis la révolution industrielle, notre système économique est en train de détruire notre cadre de vie et de menacer notre propre survie. Les atteintes à l’environnement et l’érosion de la biodiversité, dénoncées par le monde scientifique et les militants écologistes, ne font que peu dévier la trajectoire d’un système basé sur le profit à court terme.
Comme si l’humanité organisait sa propre disparition …et celle de nombreuses espèces qui elles, n’y sont pour rien, et en particulier les abeilles.
La nature est prodigieusement bien faite …la plupart des fleurs, pour être fécondées et donner des fruits, doivent échanger leurs gamètes, et le pollen émis par les étamines doit aller sur le pistil d’une fleur, autre que celle qui l’a élaboré : les insectes sont le plus souvent (mais aussi le vent !) les vecteurs de ce transport : ils trouvent dans le pollen la source de protéines et de vitamines dont la colonie a besoin : ils le récoltent dans des « corbeilles » situées sur les pattes arrière, mais s’en « barbouillent » le corps. Lors du butinage de la fleur suivante, quelques grains de pollen disséminés sur le corps de l’insecte atterriront sur le pistil à féconder. Pour attirer les abeilles, la fleur leur « fait cadeau » d’une substance attractive, le nectar, sécrété le plus souvent à la base du pistil, par des glandes dédiées. Or ce nectar est riche en sucres, et la colonie d’abeilles va stocker cette substance énergétique en la concentrant sous forme de miel en quantité plus que suffisante pour pouvoir survivre aux affres de l’hiver. L’apiculteur récolte le surplus que la colonie bien portante va presque toujours accumuler.
Malheureusement, si les choses ont fonctionné selon ce schéma depuis des millénaires, la machine est en train de se gripper par la faute des humains.
La perte de biodiversité et les pesticides
Un des premiers problèmes vient de la raréfaction de la ressource en nectar et pollen, du fait de la réduction de la biodiversité : l’industrialisation de l’agriculture a conduit à l’arrachage de milliers de kilomètres de haies riches en arbres mellifères comme les aubépines, ou les prunelliers, et la généralisation des monocultures fruitières ou légumières s’étendant sur des surfaces immenses ont limité la flore adventice : on ne voit plus aujourd’hui un champ de blé plein de coquelicots et de bleuets, et les bandes enherbées entre les haies fruitières sont fauchées systématiquement .
Les désherbants, dont le Round Up est l’image caricaturale, sont défendus bec et ongles par les tenants de l’agriculture chimique, productiviste et peu soucieuse des conséquences à long terme de leur pratique. La monoculture intensive des plantes mellifères, colza, tournesol, luzerne, trèfle, ou même lavande, stimule la prolifération de parasites divers et variés. La réponse est automatique : on doit tuer toute cette « vermine » à coup d’insecticides de plus en plus puissants et rémanents (qui restent actifs longtemps). Les agrochimistes font des merveilles, en inventant sans cesse des produits de plus en plus sophistiqués, qui vont imbiber la sève de la plante (systémique) circuler jusque dans le nectar de la fleur et empoisonner le pollen. Ces produits (dont les fameux Gauchos, Régent, etc. dont je vous dispense de la formule) attaquent les cellules nerveuses des insectes, font perdre le sens de l’orientation aux abeilles qui meurent empoisonnées, et perdues dans la nature. Bien pire, lorsqu’elles stockent le pollen dans la ruche, elles vont s’empoisonner pendant l’hiver quand elles vont le consommer !
On suspecte les OGM de perturber également la colonie.
L’impact de l’élevage
L’élevage n’est pas innocent dans le déclin des abeilles, aussi surprenant que ça paraisse !
Les éleveurs utilisent de nombreux produits pour débarrasser leurs animaux de parasites, externes ou internes : ces produits, hautement toxiques pour les insectes, se retrouvent dans la nature, sur les plantes, mais surtout dans les sols, du fait des déjections des animaux : les propriétaires de chevaux, ou de moutons, utilisent des purgatifs contre les parasites intestinaux (les ivermectines), lesquels se retrouvent en doses ultra dangereuses dans le sol, les fleurs, et l’eau que les abeilles vont boire.
Les scarabées bousiers qui recyclaient les déjections animales ont quasiment disparu, leur butin les a empoisonnés !
Les parasites
Un autre grand facteur de raréfaction des abeilles est la multiplication des parasites de la ruche :
Depuis 1982 un acarien de 2 mm de diamètre, Varroa destructor, ressemblant à un crabe miniature, a envahi les ruchers de l’Europe, en provenance du sud-est asiatique. Il était installé depuis des millénaires sur une race d’abeilles locale qui a appris à vivre avec, et surtout à se débarrasser de cet hôte encombrant. Le parasite se reproduit dans les cellules habitées par les larves en formation, puis s’accroche à l’insecte et lui suce le « sang » (Hémolymphe). Nulle colonie n’est épargnée, et on ne sait pas encore réduire la pression de Varroa sur la colonie autrement que par des médicaments acaricides (mais non dangereux pour l’abeille !). Certaines de ces substances sont issues de produits naturels et agréés en agriculture biologique. Le parasite, en plus d’effondrer la population, introduit dans la ruche de nombreux virus, dont certains hautement pathogènes …
On a signalé dans le sud de l’Italie des foyers d’un autre parasite très dangereux, Athenida Thumida, qui pourrait se propager jusqu’à nous.
Les médias ont beaucoup parlé du Frelon asiatique : cet insecte de la famille des Vespidés (comme la guêpe) a été apporté en région bordelaise dans un lot de poteries en provenance de Chine, et a colonisé quasiment toute l’Europe : pour nourrir leurs larves les Vespidés ont besoin de protéines, et le frelon asiatique trouve que le thorax des abeilles (et d’autres insectes) riche de la musculature des ailes, fait bien son affaire. Aussi il se poste devant les ruches en vol stationnaire, saisit l’abeille en vol, la découpe avec ses mandibules puissantes et ramène le thorax mastiqué au nid. Celui-ci, construit dès le printemps, a la forme d’un gros ballon de foot, avec une sortie latérale, et est le plus souvent positionné à grande hauteur, dans les arbres, quasiment invisible tant qu’il y a de la végétation.
Le frelon asiatique, un peu plus petit que notre frelon classique, au thorax orangé, est plus sombre et son thorax est noir (Vespa nigrithorax) et il est particulièrement agressif : il faut le signaler (sur le site Web : https://www.frelonsasiatiques.fr/signaler-frelon-asiatique-auvergne-rhone-alpes.html). Toutefois, un nid découvert à l’automne, à la chute des feuilles, n’a plus d’intérêt, la colonie étant morte, seules quelques futures fondatrices (reines fécondées) survivront dans une cache abritée. La famille des Vespidés n’est pas constituée de colonies pérennes (qui passent l’hiver), comme les abeilles, donc ne fait pas de provision de miel.
En définitive, dans les 30 dernières années, les parasites de l’abeille (Varroa, frelon asiatique) ont été véhiculés par les échanges de la mondialisation…comme un certain Corona Virus …et autres Ébola, encore une rançon du « progrès »…
Les ondes électromagnétiques
On parle beaucoup moins des ondes électromagnétiques : pourtant la multiplication des lignes à haute tension, des antennes d’émetteurs perturbent le système d’orientation des abeilles basé en partie sur les champs magnétiques : elles possèdent des granules de magnétite dans le cerveau qui sont perturbées par les champs électromagnétiques : l’arrivée de la 5G est une calamité de plus.
Alors que peut-on faire pour sauver les abeilles ???
Changer notre rapport à la nature !
L’humanité, ou, au moins les occidentaux imbus de leur « science », et enchaînés au système économique qui ne voit que le bénéfice à court terme des activités agricoles et industrielles, est en train de scier la branche sur laquelle elle est installée : elle court après un « progrès » qui ne prend plus en compte le fonctionnement d’une nature qui avait trouvé son équilibre avant que l’homme ne se prenne pour plus malin qu’il n’est. Notre alimentation dépend beaucoup de la pollinisation et sans abeilles le monde n’aurait plus de saveur.
Revenir à l’agriculture « paysanne »
Il faut, pour enrayer ce déséquilibre revenir à l’agriculture « paysanne », polyculture diversifiée, refusant les intrants chimiques et soucieuse de la vie du sol : l’agriculture industrielle considère la terre comme un substrat qu’on « engraisse» aux produits chimiques, l’agriculture paysanne favorise la vie microbiologique intense de la terre qui est facteur d’équilibre pour la plante.
Redécouvrir la nature, c’est comprendre en quoi nous la perturbons et la détruisons : revenir à une agriculture biologique et respectueuse de la vie du sol est aussi un impératif pour le petit jardinier du dimanche : halte à la chimie, aux désherbants, et vive le travail manuel ! Et n’oublions pas de cultiver les nombreuses plantes mellifères, sur notre balcon ou dans notre jardin) y compris au milieu de nos pelouses stériles ou même de nos salades ! (voir article Pendant le confinement créons des zones de Bzzz )
Lutter contre le dérèglement climatique, c’est aussi favoriser les abeilles ! Les plantes et les végétaux n’arrivent plus à évoluer à la vitesse du réchauffement, et les parasites venus de contrées plus chaudes, viennent envahir nos régions et détruire les équilibres entre prédateurs et parasites. La biodiversité des plantes mellifères se réduit comme peau de chagrin.
La mondialisation est aussi responsable des déplacements des parasites : ré-apprenons à consommer local et des produits de saison …
En conclusion : être écologiste, c’est sauver l’humanité…et donc les abeilles !
Auteur : Jean-Marie Dyon