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Dispositif « Oui pub » sur la métropole de Grenoble : quels impacts ?

pub
“Oui pub”, c’est le nouveau dispositif qui vise à réduire la quantité de prospectus dans les boîtes aux lettres et qui sera expérimenté dans la métropole de Grenoble à la rentrée.

Désormais, il faudra donner son consentement pour recevoir de la publicité, et non plus exprimer son refus via l’autocollant actuel «Stop Pub ». C’est le principe du dispositif « Oui Pub » qui va être expérimenté dans la métropole de Grenoble à partir du 1er septembre 2022 dans le but, notamment, de limiter le gaspillage.
Le dispositif a été proposé en 2021 dans le cadre de la Convention citoyenne pour le Climat (CCC) pour le projet de loi Climat et Résilience. Les 150 citoyens avaient proposé d’interdire totalement la distribution de
publicités dans les boîtes aux lettres. Il va être expérimenté dans 15 collectivités françaises.

Comment fonctionne cette expérimentation ?

L’expérimentation s’étalera sur une période de 3 ans, à partir du 1er septembre 2022 jusqu’au printemps 2025. La distribution d’imprimés publicitaires sans adresse sera interdite dans les 49 communes de Grenoble-Alpes métropole, sauf si un autocollant « Oui Pub » est visible sur la boite aux lettres.

 Un nouveau mode de fonctionnement qui va donc remplacer le dispositif « Stop Pub ».
Des autocollants « Oui Pub » vont être mis à disposition par les collectivités locales, les annonceurs et les distributeurs.

Oui pub

Cette phase de test de 3 ans donnera ensuite lieu à un rapport par un comité « afin d’évaluer l’impact de l’expérimentation sur la production et le traitement des déchets papier, ses conséquences sur l’emploi, sur les secteurs d’activité concernés, sur les comportements des consommateurs, mais aussi sur les éventuelles difficultés de généralisation d’une telle mesure » comme l’indique le ministère de la Transition écologique.

Quel est le poids du gaspillage publicitaire ?

Même si « « Stop Pub » » avait été apposé sur environ un tiers des boîtes aux lettres, les imprimés publicitaires représentent encore près de 900 000 tonnes par an (soit 18 milliards de publicités non sollicitées). Cela représente 12 kilogrammes de prospectus par habitant et 30 kilogrammes par foyer en moyenne chaque année. Ces imprimés qui encombrent les boites aux lettres ont d’ailleurs une vie très courte et une grande partie est jetée sans avoir été lue. Leur impact carbone est estimé à environ 800 000 tonnes de CO2, soit l’équivalent des émissions de 600 000 voitures neuves qui parcourraient 13 300 km dans l’année.

12 kilogrammes de prospectus par habitant et 30 kilogrammes par foyer en moyenne chaque année !
Impact carbone équivalent à
600 000 voitures neuves qui parcourraient 13 300 km dans l’année !

 

Quel impact sur les professionnels du secteur ?

Mais derrière les tonnes de papiers il y a toute une économie qui risque de pâtir de ce nouveau dispositif, donc des emplois qui sont menacés.
En effet, le secteur de la distribution publicitaire (composé de nombreux travailleurs précaires) risque de faire face à des suppressions de postes, alors qu’il est déjà en difficulté depuis plusieurs années suite au développement de la publicité sur internet. Les secteurs du papier graphique, de l’imprimerie, de la publicité seront également touchés.
Même si le ministère de l’Emploi annonce qu’il va « travailler à aider ces personnes dans le cadre de l’expérimentation et faire en sorte qu’il y ait des reclassements et des systèmes d’accompagnement à la perte d’emploi » on peut douter de la prise en compte réelle des impacts sociaux de cette mesure.

Certains syndicats ont dénoncé les manquements de ce dispositif qui  met en péril des dizaines de milliers d’emplois, parce qu’aucun plan d’anticipation n’a été construit avec les travailleurs du secteur.

Paradoxalement, ils dénoncent aussi une expérimentation qui, selon eux, n’apporterait « aucune avancée majeure en matière environnementale », minimisant ainsi la portée de cette mesure tout en pointant plutôt du doigt l’impact écologique du digital…

La nécessaire transformation de l’économie

Ce dispositif controversé annonce les changements nécessaires pour préserver les matières premières et diminuer nos GES pour limiter le réchauffement climatique à +2° en 2100.
On comprend bien que ces changements ne peuvent fonctionner que s’ils s’inscrivent dans une réflexion globale de transformation de l’économie du pays pour aller vers la transition écologique et des emplois durables.

Oui, il faut interdire ces publicités, cette gabegie de papiers dont la fabrication, la distribution et le traitement représentent un coût considérable pour l’environnement et pour les finances des collectivités.

Le recyclage ne concerne qu’environ 60% des déchets papier (un recyclage qui reste polluant et partiel à cause des encres et glaçages, notamment). Pour le reste, ils finissent incinérés, enfouis ou dispersés dans la nature…

Enfin, si l’industrie du papier a réalisé de gros progrès en matière de respect de l’environnement (les grandes enseignes commerciales se vantent d’utiliser «  du papier recyclé ou du papier issu de forêts gérées durablement  ») la production de ces milliards de prospectus engendre la coupe de millions d’arbres chaque année (1).

Certes la diffusion de prospectus et de catalogues papier est en baisse. Elle se digitalise de plus en plus et cela participe à l’impact environnemental croissant du numérique (responsable de 4% des GES dans le monde et qui avoisinera les 8% d’ici 2025 !).

Mais la nécessité de la sobriété numérique ne peut être invoquée pour justifier ce gâchis de matières premières et des fonctionnements à rebours des changements nécessaires pour décarbonner notre économie.

De plus ces prospectus participent largement aux incitations à la surconsommation, la publicité ayant un impact très fort sur la création de besoins. La régulation de la publicité est donc un levier indispensable pour faire évoluer les comportements des consommateurs vers des modes durables et écoresponsables.

Il est temps d’inverser la tendance

Pas toujours respecté par les distributeurs, parfois arraché, abîmé avec le temps ou refusé par certaines copropriétés pour manque d’esthétisme, le dispositif Stop pub (initié par la fédération France Nature Environnement dans les années 90) a malheureusement montré ses limites.

Comme le souligne la fédération FNE :

« Il est temps d’inverser la tendance. Ce n’est pas à ceux qui ne souhaitent pas recevoir de publicité de faire un effort, mais bien à ceux qui souhaitent la recevoir, de le signaler. La logique de réduction des déchets, de préservation des ressources et l’urgence environnementale l’imposent : le geste par défaut doit être le geste vertueux ».
Conclusion

Le dispositif Oui Pub devrait réduire considérablement la distribution des papiers publicitaires imprimés non souhaités et non lus par les citoyens et limiter ainsi le gaspillage. Son application effective devrait être renforcée par la loi anti-gaspillage de janvier 2021 (2) qui stipule que « les enseignes contrevenantes risquent une contravention de 5ème classe pouvant aller jusqu’à une amende maximale de 1 500 euros ».

Mais les conséquences sur les travailleurs du secteur doivent être anticipées en amont de cette expérimentation. Les bouleversements nécessaires à la transition auront un impact significatif sur le monde du travail. Les destructions/transformations d’emplois seront inévitables, mais la justice sociale implique d’accompagner les travailleurs des secteurs concernés et de ne laisser personne sur le carreau.

Références :

1) Selon l’association Zero Waste France, 1/3 de la consommation de papier à usage graphique est consacré à la publicité sous toutes ses formes : prospectus non adressés, imprimés publicitaires envoyés par mailings / publipostage, catalogues, journaux d’annonces.

(2) La loi anti-gaspillage a créé l’article L. 541-15-13 au sein du code de l’environnement, qui énonce qu’ « à partir du 1er janvier 2021, le non-respect d’une mention apposée faisant état du refus de la part de personnes physiques ou morales de recevoir à leur domicile ou à leur siège social des publicités non adressées est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la 5e classe ». Une contravention de 5ème classe est punie par une amende allant jusqu’à 1 500 € et 3 000 € en cas de récidive.

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